L’eau ressource vitale du hameau.
Neuf puits existent dans et autour du hameau, l’eau provient de la récupération des eaux de pluie, car il n’y a pas de source à la Gigalière. Si certains d’entre eux sont utilisés aujourd’hui pour arroser les jardins, avant l’adduction au réseau d’eau courante en 1956, ils revêtaient une importance vitale. Dans une lettre adressée au sous-préfet d’Alès le 2 septembre 1936, le maire précise que d’après l’enquête menée par le garde champêtre, le puits de M. Huguet a bien été contaminé par des infiltrations. L’analyse de l’eau a montré qu’elle est absolument impropre à tous les usages domestiques. Elle a une haute teneur en chlorures, en nitrites et en matières organiques et présente une coloration jaunâtre, un problème certainement dû à l’installation d’une vacherie[1].
L’eau était utilisée pour les besoins domestiques mais aussi pour abreuver les animaux, devant la maison Espérandieu-Chantegrel un abreuvoir attenant au puits est encore présent. Afin d’économiser cette eau précieuse, les habitants de la Gigalière amenaient leurs chevaux boire à la fontaine du village, alimentée par la source, et même jusqu’au Gardon. Les femmes descendaient des charrettes de linge à l’Avène ou au Gardon pour faire la lessive. Le linge séchait sur les branches des arbres de la ripisylve durant la journée. Près du puits de la famille Huguet, vous pourrez apercevoir un ancien lavoir transformé en jardinière, il permettait d’alléger la corvée de lessive lorsque l’eau était abondante.
La sériciculture a fait vivre quelques familles…
Une des activités économiques les plus importantes au XIXème siècle et durant la première moitié du XXème siècle fut l’élevage des vers à soie. Une dépendance de la famille Espérandieu, au nord du hameau, était une magnanerie, mais il n’existe pas de signes visibles de cette activité sur la bâtisse. A l’angle sud, au dernier étage de la maison Huguet sous les fenêtres restaurées subsistent des petites ouvertures. Ce grenier était jusqu’aux années 1930 une magnanerie, c’est-à-dire une pièce dédiée pour « l’élevage du ver à soie ». Elle était située dans la partie haute de la maison, sous les combles où l’air chaud, plus léger que l’air froid, montait de façon naturelle.
On faisait éclore les vers à la fin du mois d’avril, la chaleur nécessaire à l’éclosion et la vie des vers est comprise entre 22 et 25°C. Dans ce grenier un poêle avait été installé pour atteindre cette température. Ces petites fenêtres situées au niveau du plancher, étaient ouvertes ou fermées selon les besoins pour maintenir cette température et ventiler.
Dans cette pièce, de façon à élever en même temps plusieurs milliers de vers, on installait 70 à 80 rayonnages de cannisses appelés claies les uns au-dessus des autres, sur lesquels les vers ou « magnans » étaient répartis. Deux à trois fois par jour, les femmes apportaient d’énormes quantités de feuilles de mûrier pour les nourrir. Chaque ver absorbait dans les 35 jours de sa courte vie environ 45 kg de feuilles de mûrier blanc, il atteignait 80 fois sa taille d’origine en quatre mues. Les mûriers situés autour des terres cultivées près du hameau ne fournissaient pas suffisamment de feuilles pour alimenter l’ensemble des vers. Pour achever leur croissance, on achetait de « la feuille » à la propriété du château de Larnac.
Après la dernière mue, de grandes tiges de bruyères étaient fixées en arceaux sur les claies. On allait chercher ces tiges dans les Cévennes avec le cheval et la charrette, soit environ 5h de route ! Chaque ver grimpait et se fixait en tissant une sorte de toile. Ensuite, il construisait son cocon en sécrétant de manière ininterrompue, pendant 48 heures, son unique fil de soie de 800 à 1 200 mètres de long. L’étape suivante, au début du mois de juin, était le décoconnage, on retirait la bruyère et on triait les milliers de cocons blancs produits. Les étapes suivantes se déroulaient dans les filatures qui produisaient le fil de soie commercialisable.
La famille Huguet a pratiqué l’élevage du ver à soie jusqu’en 1933, c’était leur principale source de revenus. Cette activité était subventionnée, le prix du kg de cocons était de 6 francs dont 3 provenaient des subventions, ils produisaient 300 à 400 kg de cocons par an. En France, c’est dans les Cévennes que cette activité économique a le mieux subsisté, elle représentait encore 86% de la production séricicole nationale en 1938. Cependant, cette économie a progressivement périclité avec l’avènement des tissus synthétiques notamment du nylon, et l’arrêt des subventions. La dernière filature a cessé son activité en 1965 à Saint-Jean du Gard.
…remplacée par une activité plus traditionnelle.
Dans chaque ferme, il y avait aussi des animaux, des chevaux pour le travail de la terre et pour les déplacements mais aussi des poules, chèvres, lapins et cochons pour se nourrir. D’abord installés au rez-de-chaussée des maisons, ces animaux ont été ensuite installés dans des dépendances lorsque les maisons étaient rénovées. Face à la maison de la famille Combe, le long bâtiment est une ancienne bergerie. André Combe (décédé) fut l’un des derniers bergers de la commune avec les frères Roux du hameau de Trouillas.
La viticulture plus rentable a progressivement remplacé la sériciculture. Ils ont arraché les mûriers pour planter progressivement des pieds de vigne. Le rez-de-chaussée des maisons abritait les caves à vins, la famille Huguet possédait un hangar situé face à la maison contenant des grandes cuves en ciment. Durant les vendanges, le cheval tirait un traineau sur lequel des cornues étaient progressivement remplies. Après la Seconde Guerre mondiale, lorsque la cave coopérative a été fonctionnelle en 1950, tous les viticulteurs de la Gigalière y ont adhéré. Les pastières tirées par les tracteurs ont remplacé chevaux et cornues.
Aujourd’hui, il n’y a plus un seul agriculteur à la Gigalière, les maisons sont habitées par des retraités dont certains n’ont pas de descendants et prochainement ces maisons seront vendues à de nouvelles familles. Espérons que les vestiges patrimoniaux seront préservés au cours des futures rénovations.
[1]Ensemble des vaches d’une exploitation agricole. Partie d’une ferme réservée à l’élevage et à la traite des vaches. Synonyme d’étable.